Et ainsi sont venus à nous ces contes

Aux premiers jours du monde, nous étions tous ensemble dans l’arbre. Le soir, avec les autres créatures, nous mangions le soleil en écoutant le chant de la terre. Nous, les humains , nous ne séparions pas l’antilope et la fleur de l’homme : nous étions d’évidence les enfants du rêve. Nous connaissions notre rocher et l’arbre florissant parcouru de chants, ce prodigieux frère. Dix mille oiseaux sautaient dans ses ramures et becquetaient sa parole. Ils puisaient les contes à la source et au creux des pierres, pour les emporter et nous accompagner. Nous ne savions pas que nous allions abandonner la sérénité de l’arbre et du rocher, nous désunir de l’antilope et de la fleur; et pour tout dire nous égarer. Nous ignorions qu’un jour nous penserions la terre inerte et ne sentirions plus l’âme du monde. Les oiseaux, eux, le pressentaient.

Crées pour veiller sur nos premières images, ces enchanteurs protégeraient le songe primordial des génies. Leurs contes résisteraient à tout, à la séparation, au temps et à l’oubli. Ils sauraient murmurer notre parenté, uniraient nos pouls au cœur des arbres et des pierres. Ils nous escorteraient dans un monde dénaturé, pour nous protéger du tumulte et de l’ignorance, continuant de gazouiller et de rire devant la peur et l’avidité. Quand les conséquences de notre fugue deviendraient insoutenables, leur magie nutritive et vitale nous encouragerait à agir pour renaître. Ayant lâché nos chimères, dédiés et réunifiés par la parole enamourée, nous serions à nouveau nus sous les étoiles, joyeux de tutoyer la source et de dialoguer avec elle.

Certains de ce pressentiment, les oiseaux aux becs garnis de contes étaient prêts pour le grand voyage. Il se rassemblèrent.

– Emmenons au loin nos remèdes, dit le Roiseau. Car nos petits frères humains qui veulent tout connaître sont en train de s’éloigner, de s’endormir, d’oublier. Portons haut et loin la chanson des pierres et de l’aubier. Allons abreuver, contre vents et marées, le « Temps du rêve ». S’ils butent et tombent qu’un conte soit là pour les relever : la parole d’un hêtre ou celle d’une montagne. Qu’à chaque fois que la soif ou la faim tenaille, un bec libère son eau et ses graines : le souffle d’une gemme ou la voix d’un peuplier. Compagnons, déployez vos ailes. Ô mes bavards, planez sur la terre et soyez des fontaines ! Que vos paroles-médecine accompagnent le murmure du monde !

Et des myriades s’envolèrent, joyeuses, sur les routes du temps avec leurs trésors, sous le regard du Roiseau-phénix, le maître des renaissances.

Ainsi ces contes sont-ils venus à nous, pour nous réveiller.

Toute île que gagnent à tire-d’aile

les oiseaux

Je les gagne moi-même à tire-d’aile.

Walt Whitman

Voici une interpétation d’Oleg dans cette vidéo : 

1 Comment
  1. Vive les oiseaux.

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